19 août 1942 : opération Jubilee
Le contexte :
En 1942, la domination de l'Allemagne est à son apogée. Elle parvient à étendre son emprise de Biarritz à Léningrad, d'Oslo à Athènes, de l'océan Atlantique au Caucase.
1942 marque "l'année terrible", l'Allemagne confirme sa supériorité en triomphant sur tous les fronts. Tandis que les Alliés, Royaume-Uni et Union soviétique, perdent du terrain, l'Allemagne progresse rapidement. En effet, le Royaume-Uni perd Tobrouk, obligeant la 8ème Armée britannique à se replier en Egypte. L'Union soviétique arrive difficilement à contenir l'avancée allemande vers le Caucase (frontières de l'Iran et de la la Turquie) et l'URSS.
Face à cette situation, Staline souhaite faire baisser la pression et soulager l'armée soviétique. Il demande au gouvernement américain et britannique l'ouverture d'un second front à l'Ouest pour faire craindre aux Allemands une attaque et les obliger à renforcer leurs défenses sur la Manche. Malgré ses réticences, Churchill accepte d'apporter son aide avec une opération sur les côtes françaises : l'opération Jubilee. Un raid comprenant plusieurs milliers d'hommes est organisé : 5000 Canadiens, 1100 Britanniques, 56 Américains et 15 Français (France Libre) sont préparés pour l'été 1942. Cette opération remplace l'opération Rutter qui n'a pas eu lieu le 8 juillet 1942 en raison des mauvaises conditions météorologiques.
Le 19 août 1942 se déroule l'opération Jubilee dans le secteur de Dieppe, entre Berneval et Varengeville-sur-Mer. N'ayant pas beaucoup été engagées depuis le début du conflit, les troupes canadiennes sont privilégiées pour cette opération. Dieppe est choisie pour sa proximité avec l'Angleterre : faciliter la couverture aérienne et les transports maritimes. Grâce à cette opération, les alliés souhaitent gagner de l'expérience sur la façon de s'emparer d'un port bien défendu. D'autres objectifs sont rajoutés : rapporter des renseignements, des documents, détruire les défenses militaires allemandes et si possible ramener des prisonniers.
L'opération Jubilee :
Le général canadien John Hamilton Roberts dirige les troupes terrestres. Face à eux, c'est la 302e division d'infanterie allemande commandée par le General Major Conrad Haas dont le Q.G. se trouve à Envermeu qui occupe Dieppe et ses environs durant cette période. Elle est composée de 2000 hommes, par la suite cette division se nommera « Division de Dieppe ».C'est entre 4h30 et 5h du matin que les attaques commencent. Les troupes alliées débarquent sur les plages de la Seine-Inférieure mais elles sont accueillies par des tirs meurtriers d'allemands bien positionnés.
En effet, les défenses allemandes sont importantes sur les falaises : mortiers, nids de mitrailleuses, bunkers bétonnés, emplacements de tirs individuels, canons à longue portée, rendant difficile le débarquement des Alliés.
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Berneval :
4h50 : C'est l'opération Flodden. Sept péniches du Commando 3 atteignent la côte. 6 péniches avec à bord 120 hommes et des rangers américains débarquent à l'Est. Ils luttent durant 5 heures face aux allemands situés sur les falaises mais sont contraints de se rendre face aux blessés et aux morts. La 7e péniche réussit à neutraliser l'action de la batterie côtière durant plus de deux heures.
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Puys :
5h06 : Le « Royal Regiment of Canada » est vite maîtrisé par les tirs allemands. Cinquante minutes plus tard, les barges qui transportent une compagnie du « Black Watch Highlander » subit le même sort. C'est sur cette plage que le Raid connaîtra son plus lourd bilan. En peu de temps 200 soldats meurent et sur les 554 débarqués, seulement 65 hommes rentreront en Grande Bretagne et 289 sont prisonniers.
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Varengeville :
C'est l'opération Cauldron avec le Commando n°4 dirigé par Lord Lovat. Ses hommes réussissent à prendre la batterie côtière qui contrôle l'entrée du port de Dieppe. L'adjoint de Lord Lovat, Mills-Roberts, lance ses hommes par la valleuse de Vasterival, ils détruisent la batterie, parviennent à redescendre avec des prisonniers et rejoindre le groupe de Lord Lovat. Ce fut la seule opération de Dieppe qui se déroula comme prévue.
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Pourville :
Le South Saskatchewan Regiment et le Cameron Highlanders débarquent sur la plage dans le but d'attaquer l'aérodrome de Saint-Aubin et neutraliser les points fortifiés. Les hommes du South Saskatchewan Regiment parviennent à couper la ligne d'alimentation de la station radar « Freya », tandis que ceux de « Cameron » doivent rejoindre Petit-Appeville et les chars débarqués à Dieppe. Malheureusement ils battent en retraite face à l'arrivée des allemands.
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Dieppe :
C'est sur la plage de Dieppe que se déroule l'attaque principale. Les allemands installés sur la falaise et dans les bâtiments qui surplombent la promenade, attendent de pied ferme les soldats alliés qui doivent débarquer.
C'est un feu croisé meurtrier de mitrailleuses qui accueille les hommes du Essex Scottish Regiment. L'intervention des chars du Calgary Regiment pour soutenir les soldats au départ du raid est compromise. En effet, suite à un retard de navigation, les chars débarquent dix à quinze minutes plus tard et leur progression et interrompue par les nombreux tirs ainsi que par les galets et la digue. De lourdes pertes sont à déplorer.
Quelques hommes parviennent toutefois à s'infiltrer dans la ville en se frayant un chemin à travers les barbelés et les obstacles. Les chars restent bloqués sur la plage mais continuent malgré tout à se battre et à soutenir les soldats.
D'autre part, sur le navire de commandement, un message trompeur parvient, le général Roberts croit que les hommes du Essex Scottish sont installés dans la ville. Il est donc décidé de les soutenir, les Fusillés Mont Royal débarquent mais comme pour leurs camarades précédemment, les feux des mitrailleuses les accueillent, les soldats sont immobilisés sur la plage.
Le Royal Hamilton Light Infantry parvient à dégager le casino pourtant très bien défendu. Quelques soldats entrent dans la ville où se déroulent de violents affrontements. Les hommes du Commando « A » de la Marine Royale sont les derniers à intervenir à Dieppe. Malheureusement, ils subissent les mêmes attaques que les Canadiens, provoquant de lourdes pertes. L'aviation alliée réussit sa mission de protéger la flotte de débarquement de l'aviation allemande nommée Luftwaffe. Cependant, elle essuie de nombreuses pertes. La Royal Air Force perd 106 appareils tandis que l'Aviation Royale de Canada perd treize appareils.
Le bilan :
L'opération Jubilee se termine tôt dans l'après-midi du 19 août 1942 mais cette journée est marquée par un lourd bilan. Les pertes terrestres sont de 1200 hommes tués dont 907 canadiens, 1600 blessés et plus de 2000 prisonniers qui sont envoyés dans les camps de prisonniers : l'oflag VII B à Eichstatt et le stalag VIII B de Lansdorff. Les blessés sont soignés à l'hôtel Dieu de Dieppe et de Rouen pour ensuite être envoyés en Allemagne. La marine perd 550 hommes, l'aviation 153 et les rangers 13 soldats. Mais les pertes le plus lourdes restent pour les canadiens, 3367 hommes sont morts, blessés ou prisonniers.
Les habitants de Dieppe comptabilisent 40 morts et 40 blessés dans une ville en flammes. Du fait des attaques, l'intervention est difficile pour les pompiers. La défense passive a joué un grand rôle pour protéger les habitants. Le but de cette organisation est de protéger la population en cas de guerre. D'autre part, son rôle est aussi de diminuer les dégâts causés par les bombardements, mettre en place des services, des aménagements pour protéger et soutenir l'ensemble des citoyens face aux engins explosifs, incendiaires ou toxiques.
Concernant les soldats allemands, les chiffres réels n'ont jamais été publiés mais il y aurait environ 600 tués et blessés, 48 avions détruits et 37 soldats prisonniers emmenés en Angleterre.
Les allemands regroupent les morts au cimetière municipal de Dieppe et ensuite au Canadian War Cemetery au Vertu, commune d'Hautot sur Mer.
Les enseignements de l'opération Jubilee :
Aujourd'hui, le débat existe toujours entre les personnes qui considèrent ce raid comme ayant été une grande aide pour le Jour J (6 juin 1944) et ceux qui pensent que c'était un désastre inutile. D'autre part, suite au débarquement, des études menées sur les défenses allemandes le long des côtes en France ont permis de réduire les pertes le jour J en améliorant les tirs de soutien et les tactiques utilisées.
Eisenhower dira « Sans Dieppe, nous n'aurions pas eu la plupart du matériel spécial et les connaissances nécessaires au bon déroulement de l'invasion. »
En savoir plus :
Mémorial du 19 août 1942 : https://www.dieppe-operationjubilee-19aout1942.fr/
Encyclopédie du débarquement et de la bataille de Normandie : https://www.dday-overlord.com/debarquement-normandie/causes/operation-jubilee
Anciens combattants Canada : https://www.veterans.gc.ca/fra/remembrance/history/second-world-war/1942-dieppe-raid
Quiquengrogne n°49, Dieppe 1942 : lien de téléchargement
Photos du 19 août 1942 conservées au fonds ancien et local de Dieppe : lien pour les visualiser
Références Bibliographiques :
NORMAN Franks. Dieppe, la grande bataille aérienne opération Jubilee 19 août 1942 : Ulisséditions, 2017. 256 p.
WALLACE et AGOSTO Stephan. Opération Jubilee, Dieppe 1942 : ANBD, 2014. 51 p.
RICHARD Olivier. Dieppe 19 août 1942 les vestiges racontent l'opération Jubilee : Comever-De Rameau, 2012. 128 p.
BUCOURT Nicolas, FIHUE Hervé, JEANNE Frédérick, MASSON Mathieu. 19 août 1942 : Raid de Dieppe : Heimdal, 2012. 396 p.
TABESSE-MALLEVRE Sophie. 19 août 1942 sous le regard des dieppois : Au petit bonheur, 2011. 191 p.